INFO+ : Ce podcast est produit par Louie Creative, l’agence de Louie Media. Sandrine Mouchet et Emilie Groyer de RoseUp ont écrit cet épisode, Eva Tapiero l’a préparé. Bénédicte Schmidt en a fait la réalisation et le mix sur une musique de Marine Quéméré. La production est supervisée par Eloïse Normand avec l’aide de Anouk Solliez.
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Je m’appelle Nicole, j’ai 76 ans, je travaillais comme infirmière et j’habite dans la région lyonnaise.
En 2005, on m’a diagnostiqué un cancer de l’endomètre. Le protocole, c’était ablation de l’utérus avec curage ganglionnaire et séances de radiothérapie à la suite. Une fois les traitements terminés, j’ai repris mon travail et sept ans après, j’ai la cuisse qui a doublé de volume. C’est arrivé soudainement.
Je n’ai rien compris
Je reprends contact avec le médecin traitant et il m’adresse à un spécialiste. Alors, le médecin spécialiste me dit : « Vous avez un lymphoedème et c’est tout« , sans explication de sa part. Enfin, en me disant qu’il n’y a aucune prise en charge possible sur la région lyonnaise, mais elle me donne quand même l’adresse d’une kiné qui va m’apprendre à faire les bandages des orteils. Honnêtement, je me retrouve vers ma voiture avec les clés de la voiture dans la main en me disant : « Je n’ai rien compris à ce qu’elle m’a dit. Je n’ai rien compris à ce qu’elle m’a dit, voilà.«
Donc, je prends rendez-vous avec la kiné, quelques jours après, qui m’explique comment faire les bandages des orteils. Honnêtement, je n’ai rien compris non plus parce que mes orteils sont normaux. Il n’y a pas de différence entre les orteils de gauche et de droite. Je me suis dit : « Mais il y a quelque chose qui ne va pas. » Donc, je me suis renseignée et je suis allée consulter dans un centre de compétences. Là, ça ne s’est pas très bien passé parce que je n’ai pas eu des explications très claires.
Enfin des réponses à mes questions
On n’avait absolument rien à me proposer comme prise en charge sérieuse, en fait. Donc, je suis partie en cure trois semaines parce qu’on n’avait rien d’autre. Heureusement, j’ai énormément appris sur cette pathologie, ce qu’il fallait faire, comment moi, je pouvais agir. C’est ça qui était intéressant. Enfin, j’avais des réponses à mes questions. Ça, c’était presque magique.
On rencontre beaucoup de personnes qui ont des expériences très personnelles, mais c’est vraiment intéressant de les écouter. J’apprends qu’en Allemagne, ils sont performants dans la prise en charge du lymphoedème. Et avec mon médecin traitant, nous faisons une demande qui a été refusée par la Sécurité sociale. Je conteste la décision, je suis convoquée par un expert et il me donne les coordonnées de l’hôpital de Cognac-Jay. C’est comme ça que je me retrouve pour une consultation dans cet hôpital.
L’apprentissage de l’autonomie
Le médecin, le chef de service, confirme le diagnostic du lymphoedème, me dit qu’une prise en charge est possible dans cet hôpital. Et je suis inscrite pour une hospitalisation de deux semaines. Pendant cette hospitalisation, on m’explique que le lymphoedème, c’est une pathologie chronique. On m’explique que le lymphoedème, ça arrive après un cancer, un curage ganglionnaire et de la radiothérapie. C’est-à-dire que la lymphe ne circule plus. C’est ce qui provoque l’œdème tout au long de la jambe.
Et là, pendant deux semaines, en fait, j’ai droit à des bandages multi-couches réalisés par le kiné, mais le kiné aussi, à son tour, m’apprend comment faire les bandages. Parce qu’en fait, la prise en charge du lymphoedème, c’est pour faire réduire le volume, ce sont des bandages multi-couches et pour maintenir le volume, il faut porter des compressions adaptées qu’il va falloir renouveler régulièrement tous les trois, quatre mois. Donc, c’est important d’avoir ces informations, de maîtriser le matériel utilisé et de savoir pourquoi on fait ça, en fait.
Je sors de cette première hospitalisation rassurée parce que l’œdème a diminué. Il n’a pas complètement disparu, mais j’ai quand même perdu beaucoup de volume sur ma jambe. Je me dis qu’en continuant les soins à domicile, on m’a donné des outils pour que moi je me mette en mouvement, que je retrouve un peu cette autonomie. C’est ce qui me permet aujourd’hui d’avoir une jambe qui a quand même nettement diminué le volume, qui a retrouvé un peu de souplesse et qui me permet d’avoir une vie sociale active.
Faire part de mon expérience
Je me pose quand même beaucoup de questions et, OK, j’ai des informations, j’ai des outils, mais pour moi, c’est quand même un peu incomplet quand même. En fait, on me dit que j’aurais toujours cette grosse jambe, que ça ne va pas disparaître. Et moi, là-dedans, qu’est-ce que je vais devenir ?
C’est au cours de la deuxième hospitalisation que j’écoute les infos et j’apprends qu’il y a une possibilité pour des personnes qui ont une pathologie chronique de se former dans des universités de patients. De retour à la maison, je m’informe. J’apprends qu’à côté de chez moi, à Grenoble, il y a une université de patients. Je prends contact et je fais une première formation à l’éducation thérapeutique du patient.
En fait, c’est aider les personnes au quotidien, et leur donner des outils. C’est toujours informer, former, donner des outils pour que la personne, quelle que soit sa pathologie, elle retrouve une certaine autonomie. Comme infirmière, j’ai travaillé en psychiatrie. Je pense qu’en psychiatrie, on aide les personnes, après leur hospitalisation, on leur apprend à reprendre une vie au quotidien… L’éducation thérapeutique du patient, j’en faisais sans que ça s’appelle l’éducation thérapeutique du patient.
Je participe aussi comme patiente-enseignante au pôle patient de la fac de Lyon et je trouve très intéressant de former les futurs médecins à ces pathologies chroniques. Il me semble qu’ils ont un rôle important pour que les personnes comme moi, mais avec d’autres pathologies, soient observants dans leur prise en charge. La façon dont on va communiquer avec eux, ça va avoir un impact important sur les relations qu’ils ont avec les patients. C’est cette expérience et ce vécu de patientes qui avaient besoin d’informations, qui ne les a pas eues et que j’espère transmettre au futur professionnel de santé.
La formation, ça m’a permis de mettre un peu à distance cette pathologie. Ok, j’ai un lymphoedème, mais je peux vivre à côté, je peux avoir des activités, je peux reprendre des études, je pourrais éventuellement retravailler, mais mon âge ne me le permet plus.
Rien lâcher
En 2014-2015, je rejoins l’association de patients parce que ça me paraît important de ne pas être isolée. J’ai besoin de confronter et d’entendre d’autres vécus de personnes. Ce que je trouve dans cette association, c’est de l’amitié, c’est de la bienveillance, c’est du soutien. C’est peut-être ce qui m’a manqué au début, que j’essaie de transmettre aux autres patients, aux autres personnes, aux autres adhérents. J’aide les autres, mais les autres m’aident aussi.
Au niveau de l’association, on a ce projet : on ne va pas parler du lymphoedème comme : « Ma pauvre dame, c’est bien triste ce qui vous arrive« . Non ! J’ai un lymphoedème, mais je veux le montrer, je veux vivre avec.Nous nous sommes adressés à une photographe qui a réalisé une vingtaine de photos d’adhérentes. Ces personnes, elles ont osé montrer leurs bras, leurs jambes. L’objectif de ces photos, c’était de montrer au public que le lymphoedème existe et que même avec cette pathologie, on pouvait être en mouvement.
Aujourd’hui, même si j’ai accepté d’avoir ce lymphoedème, je continue malgré tout à avoir une prise en charge active. Oui, j’ai 76 ans, OK, mais je ne vais pas m’arrêter. En fait, je recherche toujours et je questionne pour des choses plus simples, plus adaptées qui nous faciliteraient la vie à nous, les patients qui ont une grosse jambe ou un gros bras.
Je ne lâche rien.
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